Où sont les hommes ?

Pauline Magnat
5 min readFeb 3, 2020

Elles s’appellent Sarah, Vanessa, Samantha, Flavie, Rose, Jennifer, Adèle, Cécile, Christine, et Elizabeth.

Ils s’appellent Gilles, Gabriel, Roman, David, Harvey, Jeffrey, Christophe, Denis, Brett et Donald.

Elles font résonner leur parole dans des livres, devant des journalistes, devant le Sénat américain…portant ainsi les voix des milliers de femmes qui se taisent, ou surtout que personne n’écoute. Demain matin une nouvelle prendra encore la parole, dénonçant encore un homme qui a pris le pouvoir sur le corps d’une femme. Elles dénoncent un homme, mais surtout elles dénoncent un système. Et ce système s’appelle le patriarcat.

Si ces crimes ont lieu, c’est que le système entier protègent les hommes qui abusent de femmes et d’enfants. Si ces crimes ont lieu, c’est qu’il est très peu risqué de violer une femme. Seulement 1% à 2% des violeurs sont condamnés en France. Il suffit de voir le peu d’indignation générale lorsque l’on parle des nominations de Roman Polanski ou de celle de Brett Kavanaugh. Hors le message envoyé aux femmes lui est très clair : “vous ne comptez pas”.

Où sont les débats ? Où sont les remises en question profonde ? Quand est-ce qu’on décidera qu’une femme vaut la même chose qu’un homme ?

Ce système patriarcal qui vise systématiquement à mépriser les violences faites aux femmes est partout.
Il est dans le cinéma, dans le sport, dans la politique, dans la littérature. Il existe chez nous tous. Dans nos entreprises, dans nos familles, dans nos consciences.

Pour reprendre les mots très justes d’Adèle Haenel : “Comment est-ce que c’est possible que ça arrive ? Qu’est-ce qu’on a TOUS comme responsabilité collective pour que ça arrive ?

“Les monstres, ça n’existe pas. C’est notre société, c’est nous, c’est nos amis, c’est nos pères, c’est ça qu’on doit regarder.”

Alors comment est-ce qu’on ose se regarder enfin ? Dans les yeux, profondément. Comment se peut-il que la quasi totalité des femmes que je connais ont été agressée sexuellement au moins une fois dans leur vie alors qu’un seul des hommes que je connais m’a avoué se questionner s’il n’avait pas, une fois, “dépassé le cadre du consentement” ? Comment, en 2020, un homme jeune et éduqué peut encore se poser la question de savoir si “un viol, ça peut vraiment se prouver ?” comme je l’ai entendu à un dîner la semaine dernière.

En France, 21% des hommes pensent qu’une femme peut prendre du plaisir à être forcée et 60% pense qu’il est plus difficile pour un homme de maîtriser ses pulsions sexuelles.

Comment se fait-il que lorsque je marche dans la rue derrière une femme, elle va systématiquement se retourner pour vérifier qui est la personne derrière elle ? Comportement que je n’ai jamais observé chez un homme.

Ce système s’infiltre dans nos couples et dans nos familles. Si nous ne prenons pas ce combat à bras le corps, il va continuer à ruiner les chances que les femmes et les hommes puissent un jour se réconcilier, profondément. Alors, où sont les hommes qui vont au front ?

Comment se fait-il qu’il y ait encore aussi peu d’hommes pro-féministes ? Si peu d’hommes présents aux marches pour les femmes ? Si peu d’hommes qui prennent la parole lorsqu’une remarque sexiste est dite dans un groupe ? Si peu d’hommes éduqués sur le sujet ? Si peu d’hommes prêts à prendre le rôle d’allié ?

Merde, Mais où sont les hommes ???

Car les langues se délient aujourd’hui grâce au travail de femmes, soutenues par d’autres femmes. Grâce à beaucoup de courage et beaucoup de lutte. Et à celleux qui pensent que le travail est fait, ce n’est que le début, et il est loin d’être gagné. Partout où le populisme se développe, les droits des femmes reculent. Et alors que nos sociétés sont sur le point de s’effondrer, que les extrêmes montent sur tous les continents, je ne peux m’empêcher de me poser ces questions : Qu’est-ce qui nous attend, nous les femmes ? Est-ce que les hommes deviendront enfin nos alliés ou bien nous laisseront-ils nous démener avec “nos combats” sans saisir que rien ne changera profondément sans leur compréhension du problème ?

Mais nous ne devons pas seulement devenir des allié.e.s des femmes, mais aussi des personnes racisées, invalides, homosexuelles, bisexuelles, transgenres, des enfants, des personnes âgées, des plus pauvres et de tous les groupes sociaux oppressés.

Elles s’appellent Sarah, Vanessa, Samantha, Flavie, Rose, Jennifer, Adèle, Cécile, Christine, Elizabeth et Pauline.

Ils s’appellent Gilles, Gabriel, Roman, David, Harvey, Jeffrey, Christophe, Denis, Brett, Donald et Franck, Hari et Arnaud.

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Ecoutez :

  • Les femmes lorsqu’elles décident de vous partagez leur expérience ! Evitez de leur couper la parole ou bien de trouver des arguments pour faire face au malaise que vous ressentez. Sur ce sujet, allez explorer le sujet du “Mansplaining” et du “male fragility”.
  • Les couilles sur la table : Qui sont les violeurs ?
  • Ainsi que tous les épisodes du podcast “Les couilles sur la table
  • L’entretien d’Adèle Haenel pour Mediapart

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Pauline Magnat

Sur le chemin de l’activisme sacré. Essayer de penser le monde différemment et mettre son énergie à en construire un plus juste. Co-fondatrice www.le-bucher.com